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INFOS
"Tabou : la famille homoparentale de la fille de Freud"
Isabelle Alonso: «L'existence des lesbiennes est en soi subversive»
Genre / Sexualité  Forte controverse sur l'orientation sexuelle dans les manuels scolaire
«Le Vatican va finir par reconnaître le mariage homosexuel avant la France!» par l'excellente Sophia Aram

Le Pink Fossé des Générations !

ENTRETIEN PHILO

entre deux maîtresses du "Genre", Judith Butler & Beatriz Preciado

FLASH INFOS      ...........................................................................................................................................................................................
 

"Tabou : la famille homoparentale de la fille de Freud" Source Rue89.com - Sur le divan 07/01/2013 - 
Un excellent Article d'Annie Fortems
|Psychanalyste  -E-Mail: afortems@wanadoo.fr
"Une des actualités brûlantes de ces mois est le débat passionné sur le « mariage pour tous » et l’adoption par les couples homosexuels. Nous voyons les opposants convoquer les écrits de Freud pour étayer leur argumentation : Freud serait homophobe et la psychanalyse condamnerait l’homosexualité. Ce sont des contre-vérités.
En parallèle à ce débat, l’événement très attendu de la rentrée littéraire psychanalytique est la publication en deux volumes de la correspondance inédite entre Freud et ses six enfants. Un de ces volumes, « Sigmund Freud correspondances Anna Freud – 1904-1938 », est consacré à la relation épistolaire entre Freud et sa plus jeune fille, Anna, la seule de la fratrie qui embrassa la carrière de psychanalyste.

Un autre événement important est contenu dans ce livre, dans la préface d’Elisabeth Roudinesco : pour la première fois, une historienne éminente de la psychanalyse reconnaît la relation homosexuelle qui a existé entre Anna Freud et Dorothy Burlingham.
On y trouve écrit qu’Anna et Dorothy ont noué « des relations d’intimité qui ressemblent fort à celles de deux lesbiennes », et un peu plus loin « Anna réalise son souhait d’être mère en devenant, à travers la psychanalyse, le “ coparent ” des enfants de Dorothy ». Même si ces deux affirmations restent prudentes, elles sont inédites.
« Freud a considéré qu’il s’agissait d’une famille »
Le 15 octobre dernier, lors de son audition à l’Assemblée nationale sur le thème du « mariage pour tous », Elisabeth Roudinesco a réitéré ses affirmations devant les parlementaires, mais là sans aucune pondération. Elle a déclaré que Freud « a accepté dans sa vie que sa fille Anna élève les enfants de sa compagne et il a considéré qu’il s’agissait là d’une famille : ce sont ses mots ».
On peut légitimement se demander pourquoi certains psychanalystes détracteurs du « mariage pour tous » se référent exclusivement à ce que Freud aurait pu dire ou écrire, plutôt que d’examiner, aussi et surtout, ce qu’il fit. En effet, Freud a totalement accueilli la différence de sa fille Anna, comme peu de familles le font même en 2012.
Il a fait la démarche d’accepter et de soutenir Anna, et d’accueillir sa compagne et ses enfants. Avec les mots d’aujourd’hui, on pourrait dire que Freud a non seulement accueilli la famille recomposée et homoparentale de sa fille, mais qu’il a œuvré pour que Dorothy obtienne la garde des enfants et qu’Anna ait ainsi le statut de « beau-parent » des quatre enfants de sa compagne…
Il est tout de même étonnant de savoir que tous ces éléments d’information sont disponibles depuis 1986, date de la publication de la biographie officielle d’Anna Freud, quatre ans après sa disparition, par Elisabeth Young Bruehl.

Freud savait que sa fille était homosexuelle
Pour ma part, je les ai découverts au milieu des années 1990. Devant préparer un cours sur les mécanismes de défense en psychanalyse, je me suis tournée vers le premier ouvrage consacré à ce sujet, « Le moi et les mécanismes de défense » d’Anna Freud, publié en 1936. Je me suis donc intéressée à la vie d’Anna Freud, sa biographie et celle de son père, les ouvrages sur la famille Freud et les correspondances disponibles.
L’auteur de la biographie officielle ne le formule pas aussi précisément, mais il est clair à cette lecture que Freud savait que sa fille était homosexuelle. Il s’est rapidement imposé à moi au fil des pages qu’Anna Freud avait vécu une relation homosexuelle avec celle qui fut la femme de sa vie, sa compagne Dorothy Burlingham, et cela pendant 55 ans.
Qu’on juge selon les quelques informations suivantes… Nous sommes en mai 1925. Dorothy Burlingham est la dernière héritière richissime de la famille Tiffany, les grands joailliers américains. Elle est sujette à des crises de phobie et a une relation très difficile avec son mari Robert Burlingham, médecin-chirurgien et maniaco-dépressif, avec qui elle aura quatre enfants.
Elle fuit donc New York à ce moment-là et se rend en Autriche, car elle a entendu parler de la réputation de Freud. Elle viendra à Vienne pour le rencontrer, et mettre Robert, son fils aîné de dix ans, en analyse avec Anna Freud. Dès l’été 1925, elle s’installe dans la maison voisine de la résidence d’été des Freud, dans le Semmering, les pré-Alpes autrichiennes.
Anna écrira à un ami de la famille, Max Eitingon, en parlant des enfants :
« Je veux les avoir à moi, ou avoir quelque chose d’eux à moi… Vis-à-vis de la mère des enfants, les choses ne sont pas différentes. [...]
J’éprouve cette dépendance, ce désir d’avoir quelque-chose. Etre avec Mme Burlingham est une grande joie. »

Un schéma de famille recomposée et homoparentale
A Vienne, rapidement, Dorothy déménage et s’installe dans une rue d’un quartier populaire, au 19, Berggasse, dans l’immeuble de la famille Freud, deux étages au-dessus de leur appartement familial – alors qu’elle dispose par ailleurs d’une belle villa dans les quartiers bourgeois. Elle fera même installer une ligne téléphonique directe de son appartement à la chambre d’Anna….
Anna, de son côté, est dépeinte comme une vieille fille austère, infirmière et secrétaire de son père, mal fagotée et asexuée. Et même si elle va continuer à se consacrer à son père et à la psychanalyse, sa rencontre avec Dorothy va faire basculer sa vie.
En 1927, à 32 ans et pour la première fois de sa vie, Anna part en vacances sans sa famille, en Italie, seule avec Dorothy, sans ses enfants. Elles visiteront le lac de Côme, les îles italiennes, passeront de pension en pension, profitant du soleil, des loisirs, de la dolce vita. Anna osera même informer son père de son intention de prolonger des vacances aussi douces.
Au fil des ans, leur vie s’organise autour de la psychanalyse (notamment leur projet d’institutions pour les enfants) et des enfants de Dorothy, dont Anna et sa famille prennent soin. Robert Burlingham a fini par accepter de ne pas interférer dans la vie de son épouse, à qui il cède la garde des enfants. Nous sommes, déjà, dans un schéma de famille recomposée et homoparentale. Dans les années 1930, c’est précurseur !

Chalet familial
Une nouvelle étape de la relation entre Anna et Dorothy sera l’achat ensemble d’un chalet dans le Semmering, qu’elles transformeront en lieu de vie joyeux et convivial où les deux familles se retrouveront le week-end. Quant à elles, elles s’y rendent tous les mercredis après-midi pour s’occuper de la maison, du potager, de leur vache et de leurs poules, et reviennent à Vienne la voiture chargée des produits de leur « mini-ferme ».
A partir de 1933, l’antisémitisme monte en Autriche. Freud attendra 1938 pour se résoudre à quitter Vienne pour Londres avec sa famille. Dorothy part la première en Suisse avec ses enfants, pour mettre sa fortune à l’abri et aider les psychanalystes juifs et leurs familles à fuir.
La famille Freud obtiendra ses visas au compte-goutte. La première à l’obtenir est Mina (la belle-sœur de Freud), que Dorothy vient chercher le 5 mai à Vienne pour l’emmener à Londres. Le 4 juin, départ pour l’Angleterre ; Freud, Anna et sa famille s’installeront dans la célèbre maison du 20, Maresfield gardens, et Dorothy… dans une maison voisine.
Lorsque la guerre est déclarée en août 1939, Dorothy part à New York mettre à l’abri ses enfants, et elle y resta plus de sept mois. Anna vit douloureusement cette absence, aggravée par la mort de Freud un mois plus tard, ce père vénéré.


« J’ai compris très clairement ce que j’éprouvais pour vous »
Aux Etats-Unis, Dorothy tombe amoureuse d’un psychanalyste et fait part à Anna de son dilemme. C’est la fin de l’année, Dorothy attend impatiemment le télégramme de vœux de Nouvel an d’Anna, mais le 1er janvier passe et rien n’arrive. Elle est désespérée et convaincue qu’Anna, trop blessée, a coupé le lien.
Cet évènement va – paradoxalement – les déciller sur leur attachement réciproque. Dorothy écrit :
« Quelqu’un d’autre est entré dans ma vie, mais sans pour autant vous en faire sortir… mais c’est seulement maintenant que j’ai été bouleversée en comprenant que je peux vraiment vous perdre… Ma vie à de nouveau un sens, peut-être puis-je encore lui donner un prix, du moment que vous m’aidiez – car, Anna, c’est toujours vous qui devez m’aider. »  Anna ne souhaite pas le retour de Dorothy s’il est mu par la culpabilité. Une autre phrase sonne comme un aveu : « J’ai compris très clairement ce que j’éprouvais pour vous et ce que ma relation pour vous représentait… », lui répond Dorothy. Faut-il encore des preuves ? Il y en a d’autres...
Fin mars 1940, Dorothy quitte ses enfants et le confort d’un pays en paix, et reprend le chemin d’une Angleterre en guerre pour rejoindre sa compagne, quoi qu’il lui en coûte. Elles ne se quitteront plus. A Londres, elles décident de ne pas habiter ensemble, par manque de place dans la maison des Freud. Mais Dorothy s’installe à proximité.
A la fin de la guerre, en décembre 1945, Anna, épuisée par les épreuves et les privations, contracte une pneumonie. En début d’année 1946, elle frôle la mort, mais Dorothy la soigne, la veille, et l’emmènera en convalescence plusieurs semaines dans la station balnéaire de Brighton.

Posture d’austérité en public
La mort de Martha, la mère d’Anna, survient en 1951. Pour la première fois, 26 ans après leur rencontre, elles aménagent dans la maison des Freud et elles y resteront, jusqu’à la mort de Dorothy en novembre 1979. Comme en Autriche, elles achètent une maison de campagne à Walberswick dans le nord de Londres, et une autre, isolée, rien que pour elles deux, en Irlande.
Anna, dès qu’elle acquit une notoriété mondiale en tant qu’héritière et gardienne du temple de la psychanalyse, afficha avec Dorothy en public une posture d’austérité. Mais en privé, elles se montraient heureuses, fantaisistes, entourées des enfants et de nombreux amis.
Sur le plan professionnel, elles seront en alliance féconde toute leur vie pour mener à bien leurs projets d’écriture de livres, de conférences et de création d’institutions pour les enfants. Leur alliance fut également fructueuse sur le plan théorique et méthodologique. Dès 1950, elles furent invitées régulièrement ensemble aux Etats-Unis par des universités américaines.
A la mort brutale de Dorothy, Anna est très éprouvée et sombre dans un profond désespoir. Les enfants de Dorothy viennent de New York pour la soutenir, puis elle reste de long mois seule et enfermée. Les deux premières dates anniversaires de la mort de sa compagne sont un calvaire, et elle s’éteint trois ans après, à l’âge de 87 ans.

Une relation occultée ou minimisée
Après ces découvertes sur la vie de ces deux femmes, j’ai cherché à savoir comment les psychanalystes et les historiens de la psychanalyse évoquaient cette relation. De manière surprenante, elle a été soit occultée, soit minimisée. Un florilège d’euphémismes a été utilisé pour décrire leur relation : amie intime, amie chère, tendre amie, vieille amie, vieille fille, célibataire, collègue, partenaire de voyage, jumelle… mais jamais « compagne ».Pas même d’ailleurs dans le fameux « Dictionnaire de la psychanalyse » de Roudinesco-Plon publié en 1997. Les auteurs ont néanmoins le mérite d’avoir consacré un paragraphe à Dorothy, qu’ils concluent par cette phrase : « Cette histoire fut en tout cas une belle histoire d’amour et de fidélité réciproque ».
Anna Freud s’est défendue à maintes reprises de cette qualification de relation homosexuelle, allant jusqu’à tenir un discours quasi-homophobe, que l’on pourrait presque apparenter à une « haine de soi » pour se protéger ; « l’homosexualité est une maladie dont il fallait guérir », écrit-elle. Par contre, elle a toujours prôné, comme son père, l’ouverture de la pratique de la psychanalyse aux psychanalystes homosexuels.
A cette époque, et même encore de nos jours, nombreuses sont les personnes homosexuelles contraintes au silence, voire au déni de ce qu’elles sont.
On ne peut que saluer le courage des personnages du documentaire « Les invisibles », ce recueil bouleversant de témoignages de personnes âgées homosexuelles qui prirent le risque de vivre leur différence au grand jour.

Le secret, condition sine qua non pour continuer d’exercer
Outre le poids de l’interdit sociétal, on peut se demander comment Anna et Dorothy, en tant que psychanalystes, auraient pu faire autrement que de garder leur relation secrète. En effet, la puissante Association internationale de psychanalyse (IPA), fondée par Freud, décida en 1920 contre l’avis de son fondateur la « règle orale », qui interdisait aux personnes homosexuelles d’être psychanalystes.
De 1941 à 1945, pendant « les grandes controverses », somme de conflits théoriques et de guerres de pouvoir qui secoua la Société britannique de psychanalyse, Anna a été accusée d’homosexualité par ses adversaires, et elle a dû s’en défendre.
Le secret entourant sa vie privée – Elisabeth Young Bruehl précise dans sa biographie d’Anna que « personne de leur entourage ne les vit jamais s’embrasser ou se toucher » – était donc la condition sine qua non pour continuer de représenter son père, les fondements de la psychanalyse, et tout simplement d’exercer en tant que psychanalyste.
Ce n’est qu’en 1973 que l’homosexualité a été supprimée de la liste des pathologies dans le Discorder Statistical Manual (DSM), le manuel américain de référence en psychiatrie. Et c’est en 1999 (année du PACS en France), lors du congrès de Barcelone, que l’IPA a pu dépasser son « surmoi institutionnel » grâce à la fronde des psychanalystes homosexuels américains qui ne supportaient plus ce secret. Ce n’est enfin qu’en 2001 que l’IPA supprimera officiellement la « règle orale », et inscrira dans ses statuts la règle de non-discrimination.

Homophobie dans les institutions psychanalytiques
Cette histoire montre que les instituts de psychanalyse peuvent aussi se montrer aveugles et révisionnistes… Selon le « roman » psychanalytique, Anna et Dorothy eurent une relation platonique, Anna n’eut jamais de sexualité, elles étaient atteintes du syndrome de gémellité, leur œuvre commune n’était qu’une sublimation totale de leur pulsion sexuelle…. Alors que toutes les preuves de leur relation homosexuelle étaient déjà là, à la portée de tout investigateur non-thuriféraire… !
Mais allons un pas plus loin, et osons une interprétation toute… psychanalytique : de même que les patients fusionnels ont de grandes difficultés à imaginer la sexualité de leurs parents, il semblerait que les institutions aient été dans le même schéma défensif, en fantasmant l’absence de sexualité de deux parents-fondateurs, Anna et Dorothy, pour continuer à adhérer à la théorie orthodoxe et aux règles dogmatiques, sans remise en cause possible de celles-ci.

On ne peut qu’espérer que cette sortie claire du déni – merci Elisabeth Roudinesco – permettra de travailler l’homophobie qui existe encore dans les institutions psychanalytiques et chez certains psychanalystes eux-mêmes, voire revisiter certaines parties de la théorie freudienne et anna-freudienne, et ouvrir le champ des recherches sur l’histoire de ces deux pionnières de la psychanalyse.
Les lettres de Dorothy à Anna (celles d’Anna ont été perdues) restent enfouies aux « Archives de Freud » à la bibliothèque du Congrès de Washington. Espérons qu’un jour prochain elles fassent, elles aussi, l’objet d’une publication.
Pour conclure sur cette belle histoire d’amour secrète, sait-on qu’Anna a rejoint Dorothy dans le caveau familial des Freud, en 1982, au Golders Green à Londres ? Elles peuvent maintenant reposer en paix, sans crainte, enfin."
ARTICLE rue89.com /commentaires très intéressants :  
www.rue89.com/2013/01/07/tabou-dans-la-psychanalyse-la-famille-homoparentale-de-la-fille-de-freud-238361

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Isabelle Alonso: «L'existence des lesbiennes est en soi subversive»
INTERVIEW Isabelle Alonso,  co-fondatrice des Chiennes de garde.
"La romancière, essayiste et chroniqueuse Isabelle Alonso a répondu aux questions de TÊTUE à l'occasion de la réédition de son «Roman à l'eau de bleu». Une ode au féminisme et à la mixité.
Imaginez un monde où les «ils» deviennent des «elles». Où les femmes détiennent depuis toujours le pouvoir. Où les hommes sont relégués dans les jardins et sont considérés comme de jolies proies que les «coureuses de caleçon» n'ont de cesse de se mettre sous la dent. Ce monde existe. C'est celui inventé par Isabelle Alonso dans son Roman à l'eau de bleu, sorti une première fois en 2002 mais qui est réédité par les Éditions Héloïse d'Ormesson dans une toute nouvelle version, revue et corrigée par l'une des féministes françaises les plus médiatiques de France....(...)
Et quid du vieux cliché féministe=lesbienne?
Pour moi, être féministe c'est une option politique. Je n'ai jamais vu le rapport avec le fait d'être lesbienne ou hétéro. Je suis ravie quand il y a des lesbiennes féministes, maintenant, il y a des lesbiennes qui ne le sont pas du tout. Et pour cause. Je ne vois pas pourquoi le fait d'être lesbienne entraînerait automatiquement cela. Ça entraîne sûrement une expérience particulière de la vie qui pousse à être plus du genre à se poser des questions sur le système dans lequel on vit. Pour autant, ce serait trop beau s'il suffisait d'être brimé dans sa vie pour devenir radical. Ça ne marche pas comme ça! Mais évidemment, le simple fait que les lesbiennes existent est en soi totalement subversif!
Subversif?  Oui, parce que dans notre société, le fait de se passer des hommes ce n'est pas prévu! Il faut dépendre des hommes. Si ce n'est matériellement, au moins affectivement et sexuellement. Alors du coup, voilà des femmes qui ont tout en main pour être libres. Elles sont encore soumises à la loi du marché pour le boulot, les salaires et tout ça, évidemment, mais elles échappent quand même à tout un pan de l'aliénation. Rien que ça, c'est vécu comme un truc marginal et subversif.
C'est pour ça que le préjugé habituel contre les féministes se double habituellement de: les féministes sont forcément laides et donc forcément lesbiennes. Vous pensez bien que si les hommes s'intéressaient à elles ou si elles s'intéressaient aux hommes, elles n'auraient aucune raison d'être féministes ou lesbiennes! C'est la logique masculine dans toute sa splendeur... Enfin ils ne sont pas tous comme ça les mecs, hein! Mais disons que dans ce qu'on nous oppose, il y a très souvent cette idée de mettre dans un fourre-tout les féministes hystériques moustachues mal baisées et... lesbiennes. C'est ZE cliché.... "
Suite de l'article complet www.tetu.com/actualites/culture/isabelle-alonso-lexistence-des-lesbiennes-est-en-soi-subversive-21426
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Genre / Sexualité  
Forte controverse sur l'orientation sexuelle dans les manuels scolaire
(olé)
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CNRS - Florence Rochefort (photo) Le genre produit d'une construction sociale Source AFP/E-llico.com01/09/2011
-"Toutes les représentations assimilées au féminin et au masculin sont le produit d'une construction sociale", souligne Florence Rochefort, chercheuse au CNRS et présidente de l'Institut Emilie du Châtelet pour le développement des recherches sur les femmes, le sexe et le genre.
Des associations catholiques et des députés UMP s'insurgent contre des passages de manuels scolaires parlant d'identité sexuelle et de genre.
De quoi s'agit-il ?
Florence Rochefort : "Le genre c'est un concept qui s'est diffusé dans les sciences humaines et sociales pour dire qu'il existe autre chose qu'un sexe biologique défini par des hormones -on a appelé ça à un moment le sexe social. Car la définition même des catégories homme et femme, leurs rôles, leurs fonctions, toutes les représentations assimilées au féminin et masculin sont le produit d'une construction sociale.
Le concept de genre nous permet d'interroger la construction des normes, la construction de ces catégories. Notre travail se situe dans la prolongation de la démarche féministe qui remet en cause l'idée d'une infériorité naturelle et d'une prédestination à certaines tâches, dans cette même lignée de déconstruction des évidences, pour montrer que ce sont pas des vérités absolues, mais seulement des vérités pour une certaine tranche de la population ou à un moment donné, qui ne s'appuient pas sur des preuves.
 Où en est-on aujourd'hui ? La société continue à reproduire une norme dominante. Par exemple les livres pour enfants continuent à véhiculer des stéréotypes souvent très arriérés par rapport à la réalité d'aujourd'hui : le petit garçon est très actif, courant partout, conquérant de l'espace, la petite fille plus volontiers à la fenêtre regardant au dehors, figée, passive. Il y a aussi le code des couleurs rose et bleu, le fer à repasser pour la petite fille...Le concept de genre montre d'ailleurs à quel point ces rôles sont contraignants pour les hommes. Le système craque de partout, ne correspond plus à des mutations en cours, à des aspirations plus individualistes, à la liberté, l'épanouissement et la singularité de chacun. Sur une même journée j'utilise des registres très différents de ma personnalité, que l'ancienne psychologie définirait comme masculin ou féminin : suis-je un homme quand je dirige un institut, une femme quand je fais le repas ? C'est important qu'on en parle dans les manuels scolaires ?
C'est important que tout le monde ait les outils scientifiques adéquats pour réfléchir, se faire son opinion. C'est un nouveau champ de la recherche scientifique qui existe depuis plus de 40 ans et qu'on ne peut remettre en cause, un champ immense qui touche toutes les disciplines.
Mais le lobby catholique veut faire valoir sa différence idéologique par rapport à la banalisation de l'homosexualité, et il est assez fort. L'Eglise se crispe, d'une façon ouvertement doctrinaire. La droite est attirée par le durcissement de ton à des moments particuliers
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>>>>>>   une pétition est ouverte à la signature, sous l'intitulé "enseigner le genre, contre une censure archaïque".

Genre / Sexualité
 Forte controverse sur l'orientation sexuelle dans les manuels scolaires
Source e-llico.com 01/09/2011
Après les organisations catholiques au printemps, 80 députés UMP demandent le retrait de certains manuels scolaires de biologie de première abordant la théorie du genre sur l'orientation sexuelle alors que des enseignants crient à la censure depuis près de deux mois. Ces députés, qui représentent près du quart des 344 députés UMP,
Voir la liste des Députés :
www.tetu.com/actualites/france/genre-qui-sont-ces-80-deputes-qui-reclament-le-retrait-des-manuels-scolaires-20070
souhaitent que le ministre de l'Education nationale Luc Chatel fasse retirer des manuels de sciences de la vie et de la terre (SVT) qui expliquent "l'identité sexuelle" des individus autant par le contexte socio-culturel que par leur sexe biologique (théorie du genre). La lettre est notamment signée par Christian Vanneste, Lionnel Luca et Jacques Myard, fondateurs du collectif de la Droite populaire, Bernard Debré, Eric Raoult ou Hervé Mariton." Suite article complet
http://reloaded.e-llico.com/article.htm?articleID=27162
 
Vanneste dénonce le «lobby gay», le PS et les associations condamnent
      >>>
 (Grosse) MIGRAINE 
www.tetu.com/actualites/france/genre-vanneste-denonce-le-lobby-gay-le-ps-et-les-associations-condamnent-20074

INTERVIEW Eric Fassin: «Les députés confondent genre et sexualité» Source tetu.com 01/09/2011
 
-"...les manuels sont très attentifs à distinguer genre et sexualité. Ce sont les députés qui les confondent."
INTERVIEW. Beaucoup de choses ont été dites sur les études de genre après la demande de 80 députés de retirer les nouveaux manuels scolaires faisant référence à l'orientation et l'identité sexuelles. Le sociologue Eric Fassin nous aide à démêler le vrai du faux.Mardi, la demande faite par 80 députés UMP au ministre de l'Education nationale de retirer les nouveaux manuels scolaires, qui expliquent la différence des sexes autant par le contexte socio-culturel que par le sexe biologique (lire notre article), a provoqué de nombreuses réactions, relancant la polémique autour des fameuses études du genre. Le sociologue Eric Fassin réagit... "
Article et interview complets :
www.tetu.com/actualites/france/eric-fassin-les-deputes-confondent-genre-et-sexualite-20077

*Film culte "GAZON MAUDIT"  Victoria Abril et Josiane Balasko

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Le Pink Fossé des Générations - The Pink Generation Gap
Source GayNZ.com /Communauté 11/2010 by Craig Young
Pourquoi les personnes jeunes et les plus âgées LGBT ne s'entendent-ils pas?  Ils semble qu'il y ait un antagonisme générationnelle entre les différents groupes de lesbiennes et de gays...  Pourquoi cela? (...)
La manière d'être lesbienne et gay,  les opportunités et les avantages dans l'espace social,  tous les changements dans le temps en raison des avancées sociales et législatives, culturelles, ou les reculs,  nous rappellent les quarante ans passés depuis Stonewall... La première génération de militants LGBT s'est battue pour la réforme du droit des homosexuels, la suivante s'est battue pour des lois anti-discrimination et contre le VIH /Sida,  la troisième se bat pour les unions civiles, le mariage de même sexe et l'homoparentalité. 
Une lesbienne âgée me disait son sentiment de frustration au sujet de l'abandon du militantisme chez les jeunes lesbiennes. Je lui ai répondu qu'elles étaient confrontés à d'autres différents défis et possibilités qui leurs sont propres dans le présent.  Elles ont la possibilité d'être encore très féministes,  à leur façon... car les relations sociales, le contenu de l'oppression et le contexte de la résistance évoluent dans le temps.
Je peux comprendre ces deux comportements lesbiens, parce que j'ai parfois des problèmes similaires avec des hommes gays âgés.
Certains jeunes hommes GBT se plaignent que les gays âgés sont trop sexualistes et ont des problèmes de limites.  Je pense que c'est probablement parce qu'ils avaient moins d'espace pour vivre leur homosexualité et sont devenus opportunistes en "attrapant" ce qu' ils peuvent - bien que cela n'excuse pas leur comportement.
(...) C'était plutôt la même chose avec Mary Daly (féministe radicale, auteure, théologienne, récemment décédée) et beaucoup d'autres féministes lesbiennes.  Les jeunes Lesbiennes disent qu'elles considèrent  les féministes lesbiennes trop rigides et désexualisée par rapport à elles.  Elles n'aiment pas beaucoup non plus leur transphobie sans doute influencée par Janice Raymond féministe radicale.
Je pense que la leçon à retenir est de ne pas à tout prix vouloir résoudre ce qui est temporairement bloqué, mais reconnaître qu'il existe différentes manières générationnelles d'être lesbienne ou gay.. Informez-vous de l'histoire, des changements politiques, de notre culture et des opinions populaires... 
Gardez le respect des générations âgées pour leurs sacrifices en votre nom, sans les idolâtrer aveuglément.   Réalisez que les jeunes LGBT ont vécu des formes différentes d'homophobie et de transphobie dans leur vie,  éloignées de vos expériences ou de celles que votre groupe d'âge connues, les nouvelles générations ont  leur propre expérience actualisée...
"
The Pink Generation Gap  - Source GayNZ.com /Communauté 11/2010 by Craig Young
Article complet en VO
www.gaynz.com/articles/publish/35/article_8384.php 
                                           

Livres recommandés : Arlene Stein: Sex and Sensibility: Stories of Lesbian Generations: Berkeley: University of California Press: 1997. Arlene Stein: Sex and Sensibility: Stories of Lesbian Generations: Berkeley: University of California Press: 1997.

     "L'expérience est une lanterne, que l'on porte dans le dos" (sagesse chinoise)

 Vieillir en Rose
études et recherches sur la condition
des gays et des lesbiennes âgés

 
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ENTRETIEN PHILO entre deux maîtresses du "Genre",
Judith Butler & Beatriz Preciado

propos recueillis par Ursula Del Aguila 12/08/2009 - Source archives Têtu Mag n°138 Nov. 2008


   
Photos Ami Sioux -  Beatriz Preciado  (à g.) et Judith Butler (à dr) -

Le féminisme était dans l'impasse. C'est l'avis de Judith Butler, philosophe majeure à l'origine des Queer Theories, mais aussi celui de Beatriz Preciado qui ouvre son Testo Junkie en s'interrogeant : «Quel genre de féministe suis-je aujourd'hui, une féministe accro à la testostérone, ou un transgenre accro au féminisme ?» Rien ne sert de s'enfoncer toujours plus avant dans la dénonciation perpétuelle des inégalités dont sont victimes les femmes, encore faut-il analyser la matière même de l'identité «femme» qui les emprisonne. Aussi Butler s'intéresse-t-elle, début 1990, à la réalité du genre, toujours troublée (son fameux Gender Trouble) mais sous le prisme des homosexualités.

Pour elle, le corps est une construction. Ce que met en acte Preciado : «Aucun des sexes que j'incarne ne possède de densité ontologique, et pourtant, il n'y a pas d'autre façon d'être corps. Dépossession dès l'origine.» Elle y consigne son expérience de prise de testostérone, fait le deuil de son ami Guillaume Dustan - «ultime représentant français d'une forme d'insurrection sexuelle par l'écriture» -, et rencontre V.D. (Virginie Despentes), sa «pute» dont le «sexe parle le langage de la révolution». Dans cet «essai corporel», manuel de bioterrorisme romantico-punk à la langue violente, érudite et pleine de ferveur, Beatriz Preciado philosophe avec son corps, ses (nouvelles) hormones et ses godes. Pour Butler, la première, et pour Preciado, qui suit la même filiation théorique (Foucault, Deleuze, Guattari, Wittig, Haraway), les identités homosexuelles sont subversives et nécessairement troublées car elles dynamitent l'ordre hétérosexuel compris comme régime politique articulé à la reproduction. C'est le corps dans sa matérialité, ses genres et ses multiples chaînes discursives, physiologiques et donc politiques d'ADN mutant qu'il faut décoder.
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1.- Plus globalement, pour les deux philosophes, il n'y a plus de sujet cartésien, de Moi. Ce sont uniquement ses techniques, ses ressources, ses expériences, politiques, sexuelles, ou langagières qui constituent la subjectivité du sujet politique. Les discours ont une matérialité, une corporéité, car, comme le disait John Austin, «dire, c'est faire». Ce sont donc eux qui fabriquent l'individu. Réciproquement, le corps se constitue aussi avec du discours, celui de Preciado tout particulièrement, puisqu'elle y inscrit, grâce à son expérience, une vérité singulière mais qui a valeur d'universel : «Mon genre n'appartient ni au féminisme, ni à la communauté lesbienne, ni non plus à la théorie queer. Il faut arracher le genre aux macrodiscours et le diluer dans une bonne dose de psychédélisme hédoniste micropolitique.» Voilà le nouveau sujet de la révolution.

Beatriz, d'où vient ton obsession philosophique du corps ?
À l'époque où j'étais dans un département d'architecture, j'étudiais avec Derrida, j'ai publié mon premier livre, qui portait sur les godes, Le Manifeste contra-sexuel, chez Balland, dans une collection dirigée par Guillaume Dustan. Je suis obsédée par la question du corps et de sa matérialité et j'ai eu un choc en découvrant l'analyse performative de l'identité selon Butler. Son analyse a radicalement changé ma manière de penser les genres et la sexualité. Ce que je voulais depuis le début, c'était prendre cette analyse et l'amener sur le terrain de la corporéité. J'avais commencé à prendre de la testostérone et je voulais faire un livre sur une généalogie politique des hormones, à partir du travail de Judith et de celui de Foucault. Il s'agissait de montrer comment nous sommes passés sous un nouveau régime de contrôle et de production du genre et de la sexualité.

Pourquoi as-tu voulu expérimenter la testostérone et raconter cette expérience dans Testo Junkie?
Dans ma génération, contrairement à celle de Judith Butler, la testo est arrivée brutalement dans les groupes gays et lesbiens et trans de tendance anarchiste. En Espagne, tous mes amis ont commencé à en prendre. J'ai toujours pris des drogues, donc j'ai voulu essayer la testo mais en même temps je ne voulais pas changer de sexe et signer un contrat de réassignation sexuelle avec l'État, ce qui est plutôt la démarche des transsexuels. Beaucoup pensaient que j'allais devenir un homme instantanément. Comme si l'hormone portait la masculinité en elle. Politiquement, en fait, les hormones, c'est un système de communication, de circulation, c'est une sorte de contamination virale. J'ai pris mon corps comme terrain d'expérimentation. De là, ce style «autofiction» mais pas dans le sens qu'on lui accorde aujourd'hui, celui du petit Moi, cantonné au privé. Le corps a un espace d'extrême densité politique, et c'est le corps de la multiplicité. C'est l'universel dans le particulier. Mais, on est de plus en plus nombreux aujourd'hui à refuser le cadre médical et psychiatrique, qui jusqu'à maintenant définissait la transsexualité. Il s'agit de résister à la normalisation de la masculinité et de la féminité dans nos corps, et d'inventer d'autres formes de plaisir et de vivre ensemble.

Judith Butler: Ce qui est important, c'est le discours qu'on porte sur les hormones et le pouvoir qu'on leur attribue.
On en parle comme de quelque chose d'interne qui agit sur nous et qui s'exprime dans nos actions, sur lesquelles nous n'aurions aucune prise : «Désolée, c'est mes œstrogènes, c'est pas mon cogito mais mes hormones», entend-on dire souvent. Alors certes, il y a une certaine vérité dans ce discours mais la vraie question, c'est comment on l'a constitué en vérité. Les hormones produisent une situation physiologique mais elles sont toujours interprétées, de façon consciente ou inconsciente, et les croyances autour de l'hormone «mâle», la testostérone, en sont une illustration.

Est-ce que tu prends toujours de la testostérone aujourd'hui ?
Beatriz Preciad:
Je continue de manière sporadique, avec des prises très éloignées les unes des autres. Pour moi, la testostérone est une drogue sexuelle. Je ne crois pas à la vérité du sexe, ni masculin, ni féminin. Ni avec la testostérone ni sans. Le sexe et le genre se produisent dans la relation à autrui. Comme Judith l'a montré, ils sont des actes.
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Comment passe-t-on du concept de Foucault de biopouvoir au pharmacopouvoir ou pharmacopornographie ?
Foucault a fait une analyse extrêmement intéressante de la production des identités au 19e siècle par le discours médical, la loi et aussi les institutions d'enfermement. Ces architectures externes venaient contrôler, réguler, discipliner, mesurer, contrôler la vie ou biopouvoir. Ce qui a permis une compréhension extrêmement précise du moment où l'identité sexuelle a été inventée. J'ai, par ailleurs, toujours été frappée par le fait que Foucault n'a jamais fait une archéologie du présent, du corps gay et lesbien ou de la normalisation de la sexualité contemporaine alors qu'il a connu le féminisme, les débuts du monde gay et lesbien, les États-Unis, San Francisco. Je pense que c'était très compliqué pour un intellectuel gay de tenir un discours à la première personne dans les années 1970. Son analyse aurait perdu en crédibilité. Il a très peu parlé des techniques contemporaines de production des identités telles que le cinéma, la photographie, les médias, et absolument pas de la pornographie (sauf de celle du 18e siècle). Mon but était de croiser l'analyse performative de Judith avec l'archéologie critique des dispositifs disciplinaires de Foucault, et de les amener sur le terrain du corps, et des technologies biochimiques et pornographiques. C'est là qu'on en vient au pharmacopouvoir. À partir des années 1940, le biopouvoir prend désormais la forme du régime pharmacopornographique, selon ma lecture. Le régime disciplinaire qui coïncidait avec l'émergence du capitalisme industriel était basé sur la répression de la masturbation. En gros, la masturbation était un gâchis d'énergie car elle ne servait pas la logique de continuité entre le sexe et la reproduction de l'espèce. Alors, pour surveiller le corps, les techniques de contrôle vont se miniaturiser après la Seconde Guerre mondiale, avec l'invention des hormones, les techniques de contrôle deviennent intérieures. On n'a plus besoin de l'hôpital, de la caserne, de la prison car désormais le corps lui-même est devenu le terrain de surveillance, l'outil ultime. Qu'est-ce qu'on prend quand on prend de la testo ou la pilule ? On avale une chaîne de signes culturels, une métaphore politique qui charrie toute une définition performative de construction du genre et de la sexualité. Le genre, féminin ou masculin, est apparu avec l'invention des molécules. Ensuite, très rapidement, la pornographie s'établit comme nouvelle culture de masse, et la masturbation devient un levier de production du capital. La main, qui n'avait pas de genre, comme l'anus, est maintenant Potentia Gaudendi ou force orgasmique, outil de production.

Judith, vous avez analysé la «mélancolie du genre» dans votre travail, trouvez-vous qu'il y en a dans le livre de Beatriz ?
Judith Butler: Certains psychanalystes diront que Beatriz s'imagine toute-puissante, mégalo, occupant toutes les places, dans son livre. Mais ce que je trouve très intéressant, c'est qu'elle nous invite dans un champ d'expérimentation entre deux extrêmes qui sont, d'un côté, sa position et, de l'autre, celle de la différence sexuelle défendue par les analystes. Ce qui est dangereux, c'est de penser que la masculinité est une chose bien précise et la féminité une autre, et qu'elles ne peuvent être que ça. Aussi, la mélancolie dont je parle apparaît surtout dans la formation d'identités rigides. Si je clame en frappant du poing : «Je suis homosexuel !», ou autre chose, si mon identité devient quelque chose que j'affirme, que je dois défendre, il y a rigidité. Quel est ce besoin de se fixer une fois pour toutes ? Comme si je connaissais mon futur, comme si je pouvais être un tout continu ! Il y a des formations identitaires qui se défendent de ressentir une certaine perte, et c'est la mélancolie du sujet hétérosexuel qui m'intéresse. Prenons certaines formes d'hypermasculinité ou d'hyperféminité dans la culture hétérosexuelle, elles ont l'air queer (performatives), car elles sont hyperboliques. Un homme, par exemple, qui aurait peur d'avoir le moindre soupçon de féminité en lui, et qui vivrait en traquant ces traces-là. Dans le monde gay et lesbien aussi, il peut y avoir une certaine «police de l'identité». Comme si, en tant que lesbienne, je ne serais que lesbienne, je ne ferais que des rêves lesbiens, je n'aurais que des phantasmes avec des femmes. La vie, ce n'est pas l'identité ! La vie résiste à cette idée de l'identité, il faut admettre l'ambiguïté. Souvent l'identité peut être vitale pour faire face à une situation d'oppression, mais ce serait une erreur de l'utiliser pour ne pas affronter la complexité. Tu ne peux pas saturer la vie avec de l'identité.

Beatriz Preciado : J'ai commencé le livre avec un deuil, la mort de Guillaume (Dustan), et aujourd'hui, je fais le deuil de l'identité, je ne serai jamais vraiment lesbienne, jamais vraiment un transsexuel, et ce deuil, il est libératoire, en fait. J'aurais pu décider de ne pas prendre de la testostérone mais ça, ça aurait été mélancolique. La question, c'est comment faire le deuil de la politique d'identité. (Fin du premier volet)
Propos recueillis par Ursula Del Aguila

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2.- Ton livre "Testo Junkie" est une utopie libératrice des genres et des sexualités, et aussi le constat nihiliste d'une époque désastreuse pour l'écologie. Comment la révolution est-elle encore réalisable aujourd'hui ?
Beatriz Preciado : Je ne conçois pas la révolution sous la forme virile de la lutte, de la transformation héroïque. Pour moi la révolution, c'est ce qui est du domaine du possible, uniquement dans les micro-actes. Cette microrévolution-là, elle est possible. Après, la question ultime, c'est comment rester vivant dans ce monde de guerre totale dans lequel on vit. Nous avons besoin d'une nouvelle politique de l'expérimentation et pas uniquement de celle de la représentation. Je milite pour une «Propaganda for Queer Fucking». Cette microrévolution est dans le corps, l'expérimentation, le sexe, le plaisir, la prise de drogues. Aujourd'hui, à partir de Judith Butler et de Donna Haraway, on doit penser de façon nouvelle la notion de l'oïkos, du foyer, qui est le corps, le corps global et la terre, c'est pour ça qu'on a besoin d'un nouveau féminisme. Et c'est vrai que mon livre fait peut-être aussi le deuil de la planète, car le constat écologique est très alarmant.

Dans Testo Junkie, les femmes sont appelées des «putes», des «chiennes». Ne joues-tu pas un peu la «machotransgouine» ?
Beatriz Preciado :
Quand je dis «pute» ou «chienne», je ne parle en aucun cas de toutes les femmes, mais de certaines filles avec qui je baise. Et ce sont elles qui m'ont appris à les appeler comme ça. Vous imaginez bien que quand j'appelle Virginie Despentes ma «chienne», c'est parce qu'elle est tout à fait d'accord... Quand une femme parle de la sexualité de façon crue, elle est vue comme masculine. Ici, ce n'est pas une figure rhétorique pour moi, c'est une façon d'habiter l'espace public, et comme c'est totalement interdit d'écrire comme cela pour une femme, quand tu te réappropries ces codes-là dans le langage, tu génères une violence, et moi, je revendique ce langage ! Et puis, les femmes dont je parle reprennent l'insulte à leur compte dans une logique d'empowerment (renforcement de soi), ce que Judith appelle le déplacement de l'injure qui change le sujet de l'énonciation qui n'est plus victime. Donc, je préfère chienne à victime pour désigner les femmes. Judith montre très bien que les notions politiques avec lesquelles on travaille viennent du discours politique, juridique, on doit travailler en permanence avec des notions qui sont des outils de normalisation, cette tension est constamment présente. Tu ne peux pas faire de la politique de manière pure, il y a toujours un moment où tu peux être lu de façon différente. Que se passe-t-il quand une femme se réapproprie ces codes de la masculinité ? J'aimerais que tous les vrais machos viennent à mes ateliers de drag king, baisent avec les filles avec qui je baise, viennent aux cours de Judith: ils ne seront plus machos.
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Judith, que pensez-vous de ces termes ?
Beaucoup de gens s'emprisonnent eux-mêmes dans toutes ces catégories, butch, fem, lipstick, macho... Pourquoi ? Elles continuent d'agir en permanence sur nous, mais la question intéressante serait de voir comment on agit avec celles-ci, d'une façon qui ne nous rende ni victimes ni emprisonnées. Je parie que Beatriz et moi avons offert un nouveau destin sexuel à toutes les féministes qui désirent une relation sexuelle à dominante macho, mais qui ne supportent pas la subordination sociale aux hommes. Ce qui est important, c'est de ne pas laisser croire aux hommes qu'ils possèdent entièrement la masculinité. Mais s'il est encore d'actualité de parler de domination masculine, ce qui est problématique c'est quand on pense que la domination est ce qui caractérise la masculinité. Un macho, dans le stéréotype, c'est quelqu'un qui est incapable de se confronter à sa propre féminité.

Parlons de l'actualité. Thomas Beattie, transsexuel américain «female to male», a accouché cet été d'une petite fille. Sa grossesse a été présentée par les médias comme celle du «premier homme enceint». Thomas Beattie était d'abord né fille. Dans son processus de changement de sexe, il a pris de la testostérone et a réalisé une mammectomie. Ils voulaient un enfant, sa compagne et lui. Or celle-ci ayant subi une hystérectomie, elle ne pouvait pas être enceinte. Thomas, lui, avait toujours son utérus d'origine, donc il a décidé de le porter. Comment lisez-vous cette grossesse à l'ère de la reproduction toujours plus biotechnologique ?
Judith Butler: Pour être enceinte, il faut avoir certaines fonctions reproductives opérationnelles, mais aussi des techniques. Ça ne suffit pas d'avoir un appareil reproducteur biologiquement féminin. La reproduction peut être le résultat d'un rapport hétérosexuel, d'une insémination, ou d'un don de gamètes. Certaines femmes ont les fonctions reproductives, mais ne sont pas capables d'être enceintes sans intervention technique. Il y a toujours de la technique, partout, il n'y a pas de rapport sexuel hétéro ou homo sans tekhnê, la pornographie est
une technique. L'autre est une technique: utilise-moi, fais de moi ton instrument de plaisir, voilà ce qu'est un rapport sexuel...Sinon, on ne céderait jamais ! (Rires.)
Beatriz Preciado: Ce n'est pas le premier transsexuel enceint. Matt Rice, FTM américain, a porté son enfant mais ne l'a pas médiatisé. Ce qui est intéressant, c'est la publicité de cette maternité. Ce sont les médias en quelque sorte qui rendent possible la reproduction de Beattie. S'il a pu être «enceint», c'est parce qu'il a décidé de refuser l'ablation des ovaires qui accompagne le protocole de changement de sexe. Car c'est nécessaire, pour que l'hétérosexualité continue d'apparaître comme le cadre naturel dans lequel la grossesse se déroule, de rendre le sujet ou le corps transsexuel infertile. Beattie prouve que le corps est un champ de multiplicité ouvert à la transformation, son corps n'est ni masculin, ni féminin, c'est un champ d'implantation technique dans lequel peuvent arriver des choses multiples. Cette complexité de techniques ici liées à la reproduction montre que nos corps sont finalement des organes techno-vivants, et pas des matières premières ou des organes purement biologiques, indépendants du langage, des métaphores, des discours. Cela fait longtemps : dans le monde industrialisé, à l'ère de la pilule, de la baise hétéro programmée par Hollywood et par la pornographie dominante, aucune grossesse n'est naturelle. À la fin des années 1960, il y avait d'emblée dix millions de consommatrices de la pilule, c'était la première fois qu'un médicament était prescrit sans maladie, et cette prescription signifie que le corps féminin est discipliné pour être maternel. Thomas Beattie est dénoncé comme l'antinaturel, alors qu'il n'est qu'une des possibilités parmi des milliers de cas aidés par les techniques, et ça risque d'être de plus en plus fréquent. (

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3.- Autre point très important de l'actualité américaine, le mariage vient d'être ouvert légalement en Californie aux gays et aux lesbiennes (contexte de l'interview octobre 2008, depuis le droit au mariage pour les homos a été de nouveau interdit). Qu'en pensez-vous ?

Judith Butler : C'est une bonne nouvelle, et l'institution du mariage devrait exister pour tout le monde, indépendamment de l'orientation sexuelle. C'est juste une question d'égalité dans un cadre libéral et du point de vue des droits individuels. Mais ce n'est pas suffisant. Je ne sais pas pourquoi l'institution du mariage devrait concerner seulement deux personnes. Et il ne faut pas oublier que l'institution du mariage contrôle d'autres droits (la nationalité, le droit de propriété, celui de rendre visite à votre compagnon à l'hôpital) et ça, c'est préoccupant. Le mouvement promariage est né en réponse à la crise du sida, le but étant de transformer les homos en citoyens respectables. Mais il est aussi très important de séparer la possibilité de contractualiser une union  - de se marier - de la parenté. Ce qui m'inquiète, c'est que le mouvement gay est devenu plus conservateur, centré sur les droits individuels et la propriété privée. Et ça m'inquiète. Ma petite amie, qui est marxiste, m'a d'ailleurs prévenue : si je me marie avec elle, elle demandera le divorce !

Vous avez travaillé plus récemment sur la guerre, la torture à Guantanamo, et sur ce qui définit l'humain dans ce contexte. Si je suis torturée dans une prison par exemple, ma conscience peut quand même être sauve. Peut-on dire que c'est ce qui reste de moi ?

Judith Butler : Imaginons donc que je suis en prison, isolée, dans une position qui va à l'encontre de ma volonté. Nous aimerions savoir s'il reste quelque chose d'intouchable dans l'humain, qui puisse échapper à ce pouvoir coercitif qui fait que je ne suis pas libre. La question serait plutôt: quelles sont les ressources du sujet qui permettent de résister à une domination absolue? En philosophie, on pense traditionnellement que les seules techniques de résistance du sujet lui appartiennent, ou sont «en lui». Ça c'est une assomption métaphysique et c'est un obstacle pour penser le problème de la résistance. Peut-être suis-je capable de résister car des ressources linguistiques m'ont été transmises. En d'autres termes, le langage, la pensée, la poésie sont des ressources qui me forment, qui me structurent, sans ces ressources culturelles, je ne peux donc opposer de techniques de résistance pour survivre. La question serait plutôt : est-ce un Moi qui résiste ou est-ce un agencement - agency - de ressources par le biais duquel il y a de la résistance? Certains prisonniers de Guantanamo ont écrit des poèmes pour résister. Quand on regarde leurs poèmes, on y voit des traces de leur culture poétique qu'ils ont assemblées afin de les mobiliser contre le pouvoir étatique. La question de fond, c'est donc: comment l'agencement de techniques du sujet rend possible la survie? Il ne faut pas prendre le problème en se demandant quelle liberté il reste au sujet, mais, plutôt, comment la résistance est-elle possible? Tu ne peux pas séparer ces sujets des techniques qui les font survivre, si tu enlèves ces techniques, il n'y a plus de survie. La vraie question c'est : sous quelles conditions un Je peut-il donc parler?"
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Judith Butler est philosophe et professeure au département de rhétorique et de littérature comparée de Berkeley, université de Californie. Mondialement connue pour son essai Gender Trouble, paru en 1990 et traduit en français en 2005 aux éditions de La Découverte. Défaire le genre (Amsterdam, 2007) ; Le Récit de soi (PUF, 2007) ; Humain, inhumain (Amsterdam, 2005) ; Le Pouvoir des mots (Amsterdam, 2004) ; Antigone : La parenté entre vie et mort (Epel, 2003) et Marché au sexe (Epel, 2002) sont désormais disponibles en français. Bodies that Matter vient d'être traduit en français (Amsterdam, printemps 2009), suivi de Frames of War (La Découverte, à l'automne 2009).

Beatriz Preciado est philosophe. Auteure de Testo Junkie (Grasset) et du Manifeste contra-sexuel (Balland), elle dirige le projet de recherches et production artistique «Technologies du genre» au musée d'Art contemporain de Barcelone (MACBA).


LES MOTS DE PRECIADO
Capitalisme pharmacopornographique:Le nouveau régime économique planétaire est basé sur la consommation de pornographie, de substances chimiques de tous types et de services sexuels. Le but ultime du travailleur est d'avoir le plus d'orgasmes possible.
Micropolitiques queer: Désigne les nouvelles stratégies de résistance pour déconstruire le monde basé sur l'hétérosexualité dominante. Elles consistent à expérimenter, sur soi et avec autrui, le genre ou les corps qu'on désire, en prenant des hormones, des drogues ou en se travestissant.
Potentia Gaudendi: Capacité d'un corps de jouir, mais qui détermine aussi sa capacité à changer le monde. C'est aussi la force de travail du capitalisme pharmacopornographique.
Technogenre: La médecine est à l'origine du genre (ou gender). Qui l'eut cru ? Dès les années 1940, elle décide du genre des bébés intersexués (hermaphrodites), donc d'une certaine façon, elle produit techniquement et médicalement une différence sexuelle qui n'aura désormais plus rien de naturelle.
Testostérone: Hormone mâle que l'auteure s'administre sous forme de gel.
Virginologie: Doctrine célébrant la perfection métaphysique de Virginie Despentes en tant qu'elle est la plus pornographe et la plus féministe des femmes.

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* Lesbian look /Candy Bar girls

voir>>>>.Au Bonheur des Psy

 

*www.philippetastet.com