"La marginalisation (insupportable) des lesbiennes"
Mesdames, prenez le temps de lire cet excellent article de fond de Beatriz Gimeno...
*
- "El amor que no osa decir su nombre…La invisibilidad de las lesbianas” de Beatriz Gimeno 27/09/2011-
Source: ILGA News/ diversidad.redsemlac-cuba.net 28/09/2011 - Article en VO espagnol Traduction Tasse de Thé

Une "fausse neutralité
L'Invisibilité nous condamne au silence, et le mot "homosexuel" utilisé à la fois pour les hommes et les femmes est devenu celui d'une "fausse neutralité" qui dénote seulement la réalité des hommes, tout comme le mot homme dans le sens de l'humanité ne comprend que l'expérience et la vue des hommes du monde. Notre voix de lesbienne a été enterrée. Les conséquences de cette dissimulation sont graves et incalculables, non seulement parce qu'elle ignorent le fait que les lesbiennes et les gais sont différents et ont des expériences différentes à nous raconter, mais essentielle, parce qu'en cela même, nous invalidons également le fait que dans la stratégie pour surmonter nos inégalités, nous donc sommes tenus d'être différents.

Le titre de cet article s'appelle «la marginalisation des lesbiennes" La marginalisation mot se réfère aux trois domaines dans lesquels socialement évoluent les G et L : le champ de la société gay, le niveau de la société et la portée des femmes hétérosexuelles et, le mouvement féministe. Et dans ces trois domaines, les lesbiennes sont invisibles et marginalisées.

Femmes/Lesbiennes  -vs-  Hommes /Gays...
En ce qui concerne les femmes lesbiennes, il suffit de dire que nous devrions commencer à se demander si, au-delà d'une discrimination juridique commune, il y a vraiment quelque chose en commun avec les hommes gays.
Pourtant notre statut de citoyens ne jouissant pas des mêmes droits,  peut paraître semblable, mais notre position sociale, économique et culturelle en tant que "femmes" est radicalement différente de celles des "hommes", et nos sous-cultures différentes sont aussi autant d'espaces que nous ouvrons et déplaçons chaque jour. Aujourd'hui, le temps est passé où la lutte était simplement d'exister en tant qu'homosexuel(le)s. Dans la précipitation du moment, les lesbiennes, comme d'ailleurs ils en a toujours été des femmes dans les luttes des hommes, ont quitté leurs positions en faveur d'une position supposée commune.

La priorité est d'éliminer le stéréotype selon lequel les homosexuels sont plus proches de femmes que des hommes hétérosexuels. Le temps et l'expérience ont montré que ce n'est pas seulement un préjudice, mais également plutôt le contraire qui se produit. Peu importe si les homosexuels se déclarent et se sentent plus proches de femmes ou des principes idéologiques du féminisme, la vérité est que la culture gay conduit au mieux vers une sorte de virilisation et, à l'extrême qui n'est pas si rare, vers un total machisme. La culture urbaine gay dans laquelle la majorité des gays est plongée est devenue un lieu inhospitalier pour les femmes. La proximité alléguée entre les gays et les femmes est en  réalité une stratégie de la société homophobe hétérosexuelle pour replacer encore en avant le statut des hommes homosexuels plus socialement discrédité que celui des femmes.

La réalité est que parfois il est plus facile pour les femmes, qu'elles soient lesbiennes ou non, de trouver un place dans la Société,  que les gays dans la société hétérosexuelle. Car les hommes hétérosexuels, même dans l'inégalité historique, trouvent un "intérêt" chez les femmes (sexuel, économique, affectif, domestique ....) et si dans le passé ceux-ci ont cherché à les soumettre,  ils doivent maintenant trouver des moyens de s'entendre avec elles. La supériorité hiérarchique de la position des hommes est obligée de négocier avec les problèmes des femmes, et plus il y a de victoires du féminisme, plus nombreux sont les domaines où les hommes hétérosexuels sont obligés de convenir que les femmes veulent "quelque chose en retour"

Toutefois, les gays n'ont pas ces besoins, ils ne veulent rien de "nous", aucun pacte, aucun compromis. J'ai entendu beaucoup de gays, dire qu'un monde sans femmes serait un monde parfait. Mon expérience de l'appartenance à un groupe mixte, c'est que la plupart des gays dans les meilleur des cas ne sont même pas au courant de notre présence... 
Nous nous existons alors nous devons nous rendre visibles, et de là ils ne tolèrent pas dans le discours idéologique, que nous nous interrogions sur nôtre position ou la leur dans la communauté Gay . Le discours politique des lesbiennes est toujours un discours particulier, tandis que les hommes gays continueront au regard de la loi générale, leurs revendications qui seront toujours propres à tout le monde, alors que les nôtres demeurent spécifiques aux femmes.

Une culture lesbienne fragile et en danger de devenir une mauvaise copie "gay"
La culture gay des valeurs sociales et politiques, certainement plus forte économiquement, a imposé une culture lesbienne fragile est en danger de devenir une mauvaise copie "gay". Au sein du mouvement gay et de la Société, les lesbiennes retrouvent que le mâle est toujours apprécié et est plus fort que la vision ou l'expérience des lesbiennes pour essayer d'entrer dans la Société. Le mouvement gay se réfère toujours à une manière de vivre la sexualité, l'amour, le couple, les loisirs, la vie sociale qui est clairement au masculin. Opinions et manières de vivre communs aux gays et aux lesbiennes c'est la "fausse neutralité" dont il a été question précédemment.

En revanche, notre place, pré-existante ou assignée, dans la société hétérosexuelle est très claire, c'est celles des femmes. Nous sommes des femmes qui occupent la "place des femmes" dans toute société, mais avec une mesure de discrimination, comme doublement marginalisées. La réalité est que dans toutes ces situations dans lesquelles les femmes sont discriminées, marginalisées, condamnées à une existence précaire en étant nées de sexe féminin, dans toutes ces situations dans lesquelles les femmes sont plus vulnérables que les hommes, dans toutes ces situations (presque toutes les situations imaginables), les lesbiennes souffrent d'un lot supplémentaire d'injustice, de marginalisation ou de discrimination.

Pour commencer, quand il s'agit de lesbianisme on se réfère presque nécessairement , soi-disant les démocraties occidentales, aux premiers droits acquis par les lesbiennes pour exister en tant que telles,  qui sont le droit à disposer de leur propre corps et de leur propre sexualité. Dans un univers dans lequel le droit à la sexualité des femmes et l'utilisation de leurs propres corps sont loin d'être universellement acceptés (rappelons que dans la Conférence de Beijing sur le droit de la femmes à disposer de son propre corps et de sa sexualité ne pouvait pas être répertorié comme un droit humain fondamental par l'opposition de nombreux pays, dont le Vatican) il est donc évident que d'être une lesbienne est une chose hors de portée pour la plupart des femmes.

Les hommes restent dans toutes les sociétés connues, propriétaires de leurs corps, même dans le "péché" ou dans le crime...  Dans des sociétés fondamentalistes, les femmes n'appartiennent pas à elles-mêmes mais aux hommes de la famille, comment par exemple, une femme afghane pourrait-elle être une lesbienne? Et sans aller à de telles extrêmes, la société s'est structurée de telle sorte que le parcours des femmes est extraordinairement compliqué s'il n'y a pas un homme à ses côté.  Avoir un homme est une garantie contre la pauvreté dans de nombreux endroits du monde.  Même ici, dans les pays occidentaux ce n'est pas facile pour les femmes seules et les lesbiennes sont des femmes qui vivent sans dépendre des hommes ... Qu'il suffise de rappeler à quel point le chômage, la précarité de l'emploi, l'emploi temporaire, le sous-emploi, la pauvreté ... affectent beaucoup plus de femmes que d'hommes.

Si les femmes sont plus vulnérables économiquement, elles le sont doublement en étant lesbiennes. Nous avons beaucoup de possibilités d'être dans une situation économique difficile, cela ne va pas ajouter un salaire masculin, mais peut-être une autre chômage, une autre situation précaire, une autre situation de détresse et de précarité de l'emploi, une injuste et un discrimination supplémentaire. Nous sommes également plus vulnérables à l'intimidation au travail, au harcèlement sexuel en général, ce qui rend le «coming out» différent pour les lesbiennes que pour les gays. En fait, le syndicat CCOO a fait une étude sur le harcèlement sexuel au travail qui a montré que les lesbiennes ont été les plus sensibles à ce type de comportement. Les hommes souffrent différemment d'homophobie comme si la présence de gays génère des homophobes agressifs et morbides et celle envers les lesbiennes, dont l'orientation sexuelle est connue chez l'épicier, le marchand de journaux et les voisins... qui croient au droit de rien dire mais voudraient nous enseigner ce qu'est "un vrai homme". Les femmes sont plus socialement vulnérables que les hommes et en général on peut dire que plus la situation de marginalisation et de vulnérabilité sociale des femmes qui souffrent de ces conditions va augmenter considérablement si ces femmes sont lesbiennes.

Nous ne sommes pas ceux des Homos que la presse targue de dépenser plus d'argent, et beaucoup plus d'argent encore sur les loisirs. Nous ne sommes pas ceux qui bénéficient d'un (Dinks - Double Income No Kids) double revenu sans enfant,  parce qu'entre autres choses, plusieurs d'entre nous ont déjà des enfants. .... Avoir des enfants non seulement ajoute un facteur vulnérabilité économique, mais aussi social. Nous savons qu' il existe de nombreux précédents, à propos de lesbiennes ayant eu des enfants qui se battent pour leur garde après leur divorce. Dans ces cas, la plupart de ces mères abandonnent souvent tout type de pension alimentaire en échange de la reconnaissance de l'autre parent à ne pas se battre pour obtenir leur garde à leur place. Les mères dans ces cas, renoncent même à tout légalement, tels que la maison familiale ou d'une partie de celle-ci, parce que les mères lesbiennes ont toujours le sentiment qu'elles pourraient perdre la garde de leurs enfants auprès d'un juge à disposition conservatrice. Par conséquent, en plus d'élever leurs enfants dans des conditions économiques précaires, ces mères ont à vivre avec l'angoisse terrible de les perdre.

Nous avons non seulement des enfants issus de mariages précédents, mais maintenant les techniques de fertilisation assistée sont disponibles pour presque n'importe quelle femme. La Loi sur l'adoption permet d'accéder sans trop de peine à l'adoption individuelle ou nous pouvons maintenir une relation hétérosexuelle simplement pour tomber enceinte, nous pouvons pratiquer une auto-insémination (artisanale) avec le sperme d'un ami (c'est aussi simple que l'insertion d'une seringue avec du sperme dans le vagin) nous pouvons enfin et bien sûr, aller dans l'une des dizaines de cliniques en Espagne qui proposent aux femmes lesbiennes une reproduction assistée. Comme l'a noté le journal El Mundo dans un article, les cliniques espagnoles sont utilisées pour des fécondation assistée à plus de 80% par des lesbiennes et aux Etats-Unis on parle déjà d'un "Baby-boom lesbien". Parce qu'il est aussi un fait que les lesbiennes veulent avoir des enfants de la même manière que les femmes hétérosexuelles. Et, nous pouvons vraiment avoir des enfants et les éduquer.

 Nos enfants encore plus vulnérables
Le fait qu'il n'y ait qu'un seul modèle de famille sape la reconnaissance juridique et sociale, principalement des mères lesbiennes et de leurs fils et filles. Parce que quand les politiciens se cachent derrière le "droit" à nier l'existence de nos familles, est-ce que les enfants parlent ? La situation actuelle  laisse des milliers de familles et de mères lesbiennes et leurs enfants sans protection juridique ou sociale  et, pire encore, laisse à nos enfants encore plus vulnérables. Il se peut que la mère biologique soit malade ou meure et la loi ne reconnaît pas sa partenaire et elle n'aura aucun rôle officiel en relation avec cet enfant. Sans besoin d'aller au plus tragique, la vie quotidienne est extrêmement difficile par le fait que pour la loi, ce couple n'existe pas : à l'école, dans les hôpitaux, dans les activités  quotidiennes autour de l'enfant (autorisations, permis de visite... ).  Bien sûr il y a plus que cela, pas de droits de succession, économiques de tous types : héritage, pension de reversion, assurance maladie, accident ... Bref, toute une série de droits dont les enfants des couples de lesbiennes ne peuvent bénéficier à l'égal des enfants de couples hétérosexuels.
Cela rend notre famille homosexuelle, très vulnérable en soi, encore plus vulnérable. Mais les politiciens, en parlant des enfants, ne parlent jamais de ces enfants ou de ces familles. Ne mentionnant jamais les nombreuses études montrant que les enfants élevés dans des familles lesbiennes sont comme les autres. Ils ne veulent jamais parler des dégâts provoqués par le manque de reconnaissance légale dans la vie des mères lesbiennes, souvent soumis à des conditions économiques qui sont le produit de la double discrimination dont les femmes et les lesbiennes souffrent sans accéder à aucun des avantages que l'état donne aux familles. Nous sommes des familles INVISIBLES, invisibles par la discrimination.

Le mouvement féministe devrait être notre allié. Mais il ne l'est pas.
Face à toutes ces situations, et celles des femmes en général victimes de discrimination, la lutte des femmes pour l'égalité devrait être le terrain sur lequel nous nous sentons plus à l'aise. Le mouvement féministe devrait être notre allié. Mais il ne l'est pas. Les femmes hétérosexuelles qui sont actives dans le féminisme ont toujours eu peur d'assumer la propriété et d'une manière globale les réclamations des lesbiennes qui restent confuses, intéressée bien sûr entre au féminisme et lesbianisme. A la fin,  le patriarcat a toujours eu tendance à répandre le soupçon que toutes les féministes "sont" des lesbiennes, et les féministes voulaient se "libérer" elles-mêmes de cette suspicion qui été une obsession chez certaines prétendument féministes. Betty Friedan, une des fondateurs du mouvement féministe américain, un personnage clé dans la lutte des femmes pour l'égalité, a déclaré dans les années 70 -"que les lesbiennes avaient été envoyés par la CIA pour infiltrer les rangs du féminisme et de discréditer tous les femmes." C'est la crainte de «contagion du stigmate» que les gays et lesbiennes connaissent si bien.

Beaucoup de féministes s'assument pleinement au travers d'une sexualité dans l'hétérosexualité, et d'une maternité d'éducation hétérosexiste.  Les droits humains comprennent les droits des femmes, bien sûr, mais que ces droits comprennent alors les lesbiennes, qui sont aussi des femmes ! Beaucoup d'entre nous ont travaillé pendant des années sur le féminisme pour réaliser la difficulté, voire l'impossibilité, que les questions qui nous touchent en tant que lesbiennes et qui nous nous différencient des femmes hétérosexuelles soient prises en compte et qu'une importance égale leur soit accordée. Au contraire, ces questions sont toujours reportées dans tous les débats, les campagnes qui mettent l'accent sur les questions liées aux femmes hétérosexuelles portent l'essentiel sur le budget, le temps et l'énergie, et nos questions sont toujours laissées pour plus tard ou ne sont traitées que de façon marginale, notre posture, nos revendications sont toujours particulières et assumées et défendues uniquement par les lesbiennes, alors que nous, les lesbiennes, nous avons à assumer et à défendre des questions qui touchent les femmes exclusivement hétérosexuelles, et faire comme si on leur affectait la même mesure. Autrement dit, nous sommes lesbiennes dans le mouvement féministe comme dans le mouvement gay, dans une invisibilité de fait et de plus dans la subordination !

Lorsque nous disons «les Gays et Lesbiennes»...
Les lesbiennes sont victimes de discrimination dans les groupes de revendications et nous en sommes pleinement conscientes. Ces dernières années, des lesbiennes se sont organisées au sein du mouvement LGBT, tout en défendant nos espaces et notre spécificité. Les plus importantes associations LGBT sont maintenant conscientes et comprennent le fait que les gais et lesbiennes sont différents dans lutte pour la justice égale pour tous...  Appliquer des politiques d'actions positives qui favoriseraient la visibilité des lesbiennes actuellement intègrent des organisations LGBT (les plus importantes sont dirigées par des femmes).

Il faudra désormais faire entendre dans la Société que lorsque nous disons «les Gays et Lesbiennes» que nous faisons alors allusion à deux réalités très différentes,  sera notre défi dans les prochaines années.
 

- Article Source (VO espagnol -Traduction en Français Tasse de Thé :
 "El amor que no osa decir su nombre…La invisibilidad de las lesbianas” de Beatriz Gimeno  -27/09/2011
http://diversidad.redsemlac-cuba.net/Archivo/Articulos/El-amor-que-no-osa-decir-su-nombre%E2%80%A6La-invisibilidad-de-las-lesbianas.html

Diffusion l'ILGA 28/09/2011 http://ilga.org/ilga/es/article/nbOgRab1mp                           voir aussi Invisibles et Silencieuses Lesbiennes